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Histoire des écoles de Sainville

Histoire des écoles de Sainville

Mairie et école de garçons de Sainville, élévation de la façade principale, 1881
Mairie et école de garçons de Sainville, élévation de la façade principale, 1881
Sainville, commune beauceronne de 942 habitants, a inauguré le 14 décembre 2002 les locaux rénovés de sa mairie, dans un bâtiment construit de 1882 à 1886 pour abriter, à l’époque, la mairie, l’école de garçons et le bureau de poste. À l’occasion de cette inauguration, nous vous proposons de parcourir l’histoire des écoles de Sainville. 


La mairie de Sainville aujourd'hui

De nos jours, la Mairie de Sainville occupe la totalité du bâtiment construit au XIXe siècle, qu’elle partageait à l’origine avec l’école de garçons et avec le bureau de poste.

Les débuts de l'instruction primaire à Sainville

C’est par une délibération du 11 vendémiaire an XI (3 octobre 1802) que le Conseil municipal de Sainville décide d’ouvrir une école et désigne un instituteur, Louis Menard. A cette époque, soixante enfants fréquentent l'école, dans une commune qui compte un peu moins de six cents habitants.

L'enseignement consiste en l'apprentissage de la lecture et de l'écriture "avec une partie de grammaire", ainsi que l’apprentissage du calcul décimal. Le nombre d'élèves s'élève progressivement pour atteindre soixante-dix enfants (garçons et filles confondus) en 1834. L'instituteur reçoit une rémunération de la part de la commune mais ses ressources proviennent essentiellement de la rétribution scolaire, payée par les parents.

L'école de Sainville, de la loi Guizot aux lois Jules Ferry

La loi Guizot du 28 juin 1833 fait obligation à chaque commune "d’entretenir au moins une école primaire élémentaire soit par elle-même soit en se réunissant à d'autres communes", et de fournir à l'instituteur un local pour son logement et sa classe.

La commune de Sainville satisfait d’abord à cette obligation en ayant recours à la location tant pour le logement de l'instituteur que pour la classe. Elle désire cependant acquérir une maison pour l'école afin de couper court aux déménagements successifs de l'instituteur, et d'éviter qu’il ne fasse la classe dans des locaux insuffisants et insalubres. Mais la question reste en suspend de 1834 à 1842, faute de disponibilité de locaux suffisamment convenables.

En 1841, la commune envisage l'acquisition d'une maison et de ses dépendances appartenant au Maire de la commune, M. Boutroue.

Le coût total de l'acquisition et des travaux d’aménagement revient à plus de 7 400 Francs. Le financement passe donc par une imposition extraordinaire des habitants qui court sur plusieurs années (délibération du 16 août 1842).

L'acquisition est finalement autorisée par une ordonnance royale du 7 mai 1844 et les travaux commencent à l’été suivant. Ils sont dirigés par l'architecte M. Piébourg, qui avait été chargé dès 1842 de proposer un plan de l’école communale. 

A côté de l’école publique, qui accueille garçons et filles, il existe également à Sainville, au moins à partir de 1855, une école privée de filles tenue par les sœurs de la Présentation de la Sainte-Vierge, une congrégation installée à Tours.

Les écoles de Sainville à l'époque de l'instruction gratuite et obligatoire

À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les lois successives relatives à l'instruction publique imposent de nouvelles obligations aux communes. Celle du 10 avril 1867 rend obligatoire la création d'écoles publiques de filles dans les communes de plus de cinq cents habitants et, enfin, dans les années 1880, les lois de Jules Ferry rendent l'école laïque, obligatoire et gratuite.

En 1882, la commune décide de construire deux nouvelles écoles, l’une pour les filles et l’autre pour les garçons. Le projet concernant l'école de garçons est intégré dans un ensemble plus vaste de mairie-école associant, en outre, un bureau de poste, l'arsenal et un logement pour le garde champêtre.

À cet effet, la commune décide d'acquérir un ensemble de bâtiments qui viennent compléter ceux qui abritent déjà l’école et la mairie, bâtiments qui apparaissent sur le plan général du projet. 

Un décret du 9 mai 1882 déclare le projet d'utilité publique et autorise l'achat des immeubles de M. Savouré, d'une contenance de 355 m². L'acquisition et les travaux sont évalués à 77 000 Francs. Le financement s'effectue par des emprunts souscrits par la commune et par une aide de l'État d’un montant de 26 000 Francs. L’acquisition a lieu le 11 juillet 1882 et associe aux immeubles des époux Savouré la grange de M. Duchon, d'une superficie de 55 m².

Le projet de réhabilitation des bâtiments est approuvé par décision du Ministre de l'Instruction publique le 6 mars 1882.

Le détail du projet d’école de garçons, de bureau de poste et de mairie est connu grâce à trois plans :

  • le plan du rez-de-chaussée, avec une représentation de la cour et des jardins
  • le plan de l’étage et des caves, avec deux coupes du bâtiment 
  • l'élévation de la façade principale 

La réception définitive des travaux d'aménagement a lieu le 3 février 1886. Le coût total des travaux s'élève à 30 699,36 Francs pour l’école de garçons et à 30 181,33 Francs pour l'école de filles.

Le mobilier scolaire fait l’objet d’un soin particulier, comme le montre le très beau plan du mobilier de l’école de filles, et coûte à lui seul 1 527,0 9 Francs.

Sur une photographie de la mairie, inaugurée pour la seconde fois le 14 décembre 2002, on retrouve aisément le dessin de la façade du XIXe siècle.
Sur une photographie de la mairie, inaugurée pour la seconde fois le 14 décembre 2002, on retrouve aisément le dessin de la façade du XIXe siècle.

École de Sainville, appropriation d'une classe pour l'enseignement mutuel, 1842

Ce plan représente la première école de Sainville, aménagée durant l’été de 1844 dans la propriété acquise quelques mois plus tôt.

La légende permet de reconnaître :

  • en A, le logement de l’instituteur, comportant, selon un texte contemporain, une cuisine, une chambre froide (c’est-à-dire ne possédant pas de cheminée), un corridor, deux chambres, un petit cabinet froid (un cabinet est alors une pièce dépourvue de fenêtre), un grenier et une cave
  • en B, la classe
  • en C, le jardin de l’instituteur
  • en D, les latrines
  • en E, un bâtiment servant de bûcher (pour entreposer les bûches destinées au chauffage du logement et de l’école) et de hangar
  • en F, une étable appelée à servir d’arsenal pour la pompe à incendie
  • en G, la cour de l’école
  • en H, le départ d’un escalier descendant à la cave
  • et en I, un passage entre la cour et le jardin

Les cloisons figurant en jaune au milieu de la salle de classe sont celles destinées à être détruites à l’occasion des travaux d’aménagement. La cloison figurant en rouge entre le logement de l’instituteur et la salle de classe doit au contraire être construite.

Deux expressions du titre ne sont plus employés de nos jours et appellent une explication :

  • le mot "appropriation" désigne au XIXe siècle l’opération qui permet de rendre un bâtiment "propre" à l’usage auquel il est destiné, c’est-à-dire tout simplement les travaux d’aménagement
  • l’expression "école mutuelle" désigne un système d’enseignement en vogue à cette époque, par lequel les élèves les plus avancés instruisaient les plus jeunes, ce qui permettait à un seul instituteur de former en théorie plusieurs dizaines d’élèves à la fois, avantage précieux à une époque où le nombre d’instituteurs compétents restait très insuffisant.

Sans doute faut-il se souvenir qu’à l’époque où est dressé ce plan l’école de Sainville doit accueillir dans une classe unique quelque soixante-dix élèves !

Plan sur papier, dressé par Auguste Piébourg, architecte. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160
Plan sur papier, dressé par Auguste Piébourg, architecte. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160

Mairie et école de garçons de Sainville, plan général, 1881

Ainsi que le précise la légende, ce plan représente l’ensemble des terrains jugés nécessaires à la construction des bâtiments communaux : maison de la poste, mairie, logement du garde champêtre, école des garçons et logement de l’instituteur.

On y distingue aisément, entourés d’un trait rouge :

  • en gris, les terrains appartenant déjà à la commune
  • en façade sur la Grande Rue, la mairie et le logement du garde-champêtre
  • au fond de la parcelle, les bâtiments de l’école aménagée en 1844
  • en rose, les terrains à acquérir de Mr Savouré, comportant une cour, une grange et une écurie
  • en jaune, la grange à acquérir de Mr Duchon et de ses enfants

et à l’extérieur du trait rouge :

  • en bleu, les terrains et bâtiments qui resteront la propriété de Mr Duchon et de ses enfants

Une comparaison de ce plan avec le plan de l’école communale dressé en 1842 permet de repérer les quelques modifications intervenues dans le logement de l’instituteur.

Pour en savoir plus sur ce projet, on peut découvrir successivement :

  • le plan du rez-de-chaussée, avec une représentation de la cour et des jardins
  • le plan de l’étage et des caves, avec deux coupes du bâtiment
  • l’élévation de la façade principale
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.

Mairie et école de garçons de Sainville, plan du rez-de-chaussée, [1881]

Ce plan, dessiné sans doute en 1881, représente le rez-de-chaussée du bâtiment à construire pour accueillir l’école de garçons, la mairie et le bureau de poste de Sainville.

Le corps de bâtiment central, qui abrite le logement du garde champêtre, est entouré de deux pavillons, destinés à accueillir :

  • du côté gauche, le bureau de poste et, en arrière de celui-ci, le logement de la directrice de la poste
  • et du côté droit, le logement de l’instituteur

Entre le logement du garde champêtre et chacun des deux pavillons, on identifie aisément :

  • à gauche, l’escalier permettant d’accéder à la salle de la mairie, située à l’étage
  • et à droite, l’entrée des élèves

En arrière, on reconnaît la salle de classe. Les élèves bénéficieront désormais d’un préau couvert avec un gymnase et d’une vaste cour de récréation. A droite du plan, les WC ont succédé aux latrines, ce qui recouvre sans doute autre chose qu’une simple évolution du vocabulaire.

L’arsenal, pour la pompe à incendie, sera reconstruit au fond de la cour de récréation.

Le jardin de la poste, à gauche, vient compléter le jardin de l’instituteur, qui se trouve au même emplacement qu’en 1842.

Dans ce jardin est désormais prévue une citerne, pour l’alimentation en eau de l’école et des logements.

Pour continuer la découverte du bâtiment, voir le plan de l’étage et des caves

Pour plus de détail sur l’aménagement d’une salle de classe, voir le plan du mobilier de l’école de filles

Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.

Mairie et école de garçons de Sainville, plan de l'étage et des caves, [1881]

Ce plan est bien sûr le complément du plan du rez-de-chaussée.

Le corps de bâtiment central abrite, au-dessus du logement du garde champêtre, la mairie, à laquelle on accède par l’escalier situé à gauche, tandis qu’à droite la salle des archives se trouve au-dessus de l’entrée des élèves.

Les étages des deux pavillons, à droite et à gauche, abritent les chambres des logements de la directrice de la poste et de l’instituteur.

Au-dessus du plan de l’étage, l’architecte a figuré le plan des caves, au nombre de trois, pour le garde-champêtre, la directrice de la poste et l’instituteur.

L’expression "terre-plein", qui figure à plusieurs reprises sur ce plan, signifie simplement l’absence de cave dans telle ou telle partie du bâtiment.

Les deux coupes, à droite, permettent de mieux se représenter les bâtiments projetés. On y voit la façade de l’école, sur la cour de récréation, avec les trois fenêtres de la salle de classe et la porte d’entrée, puis la façade du préau couvert.

Entre 1842 et 1881, les exigences de confort ont considérablement évolué et l’on peut repérer, sur le plan du rez-de-chaussée et sur celui-ci, les améliorations introduites dans les logements :

  • plus grande spécialisation des pièces, avec l’apparition de salles à manger, communes avec la cuisine dans les logements de l’instituteur et du garde-champêtre, mais séparée de celle-ci dans le logement de la directrice de la poste (est-ce une exigence féminine ?)
  • présence d’une cheminée dans chaque pièce, ce qui n’était pas le cas en 1842, où l’on mentionne des pièces dites "froides"
  • existence d’au moins une fenêtre par pièce, voire deux pour certaines pièces d’angle, et même trois pour la "grande chambre" de la directrice de la poste, alors que le logement de l’instituteur en 1842 comporte encore un cabinet aveugle
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.

Mairie et école de garçons de Sainville, élévation de la façade principale, [1881]

Pour interpréter correctement ce document, il faut commencer par consentir un petit effort d’imagination.

Ce dessin offre une élévation de la façade principale du bâtiment, côté rue, en écrasant la perspective : les façades des deux pavillons, de part et d’autre du bâtiment principal, ne se trouvent pas, bien entendu, sur le même plan que la façade de celui-ci, mais en saillie, ainsi qu'on peut le voir sur la photographie du bâtiment.

Cet effort d’imagination accompli, on reconnaît aisément les différentes parties du bâtiment :

  • au centre, le logement du garde-champêtre et, à l’étage, la mairie
  • à gauche, la porte d’entrée de la mairie, qui ouvre sur la cage de l’escalier permettant d’accéder à l’étage
  • à droite, la porte par laquelle les élèves peuvent accéder à l’école et, au-dessus, la fenêtre de la salle des archives
  • dans le pavillon de gauche, le bureau de poste auquel on accède par la porte située tout à fait à gauche, et, au-dessus, le logement de la directrice de la poste
  • dans le pavillon de droite, le logement de l’instituteur
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.

École de filles de Sainville, plan du mobilier, [1881]

En même temps que l’école de garçons, la commune de Sainville prévoit la construction d’une école de filles.

Les salles de classe des deux écoles ont été aménagées de façon identique, mais seul le plan de détail de l’école de filles, avec la représentation du mobilier scolaire, nous est parvenu.

On remarque en premier lieu que chaque école est constituée d’une classe unique, prévue pour accueillir quarante-huit élèves, garçons ou filles, tandis que l’ancienne école accueillait soixante-dix élèves, garçons et filles réunis.

Cette séparation entre garçons et filles permettra d’accueillir au total, si la population de la commune l’exige, quatre-vingt-seize élèves, avec un meilleur taux d’encadrement, puisqu’il y aura désormais un instituteur et une institutrice.

La classe, précédée d’un vestiaire, est dotée d’une armoire et d’une bibliothèque encastrées, et chauffée par un poêle, placé de telle sorte qu’il puisse aussi chauffer le vestiaire.

Les élèves sont disposé(e)s en quatre rangées de six tables faisant face à l’estrade, où prend place l’instituteur ou l’institutrice, et au tableau noir. Sur chaque table s’installent deux élèves.

Le plan nous livre le dessin des tables et des bancs, avec leurs dimensions précises, selon cinq modèles adaptés à la taille des élèves, des plus grand(e)s (plus de 1,50 mètre) aux plus petit(e)s, (moins de 1,10 mètre), et même la répartition en pourcentage des tables entre les différents modèles !

Il permet de reconstituer aisément l’atmosphère d’une salle de classe à la fin du XIXe siècle, et même un peu plus tard…

Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.
Plan sur papier calque, dressé par Émile Vaillant, architecte du Département. Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, 2 O 3160.

Mairie de Sainville, photographie de la façade, 2003

Cette photographie représente la façade de la mairie de Sainville aujourd’hui.

On y retrouve aisément la disposition des plans de 1882, et notamment l’élévation de la façade principale dessinée par l’architecte Émile Vaillant.

Ces locaux, récemment rénovés, ont fait l’objet, le 14 décembre 2002, d’une nouvelle inauguration, cent seize ans après la première.

Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, collections photographiques
Arch. Dép. d’Eure-et-Loir, collections photographiques
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